Un zeste de pierre blanche pour chasser les humeurs noires / A zest of white stone to dispel black moods

Un zeste de pierre blanche pour chasser les humeurs noires / A zest of white stone to dispel black moods

L'histoire folle d’une découverte sérendipiteuse racontée par Boris Cyrulnik, d'un psychiatre qui assiste à une transe en Afrique et où le sorcier calme la transe en faisant lécher une pierre blanche : du lithium ! / The crazy story of a serendipitous discovery told by Boris Cyrulnik, of a psychiatrist who attends a trance in Africa and where the wizard calms the trance by licking a white stone: lithium!



Alors je voudrais vous raconter une courte histoire folle, une histoire d’une découverte sérendipiteuse puisque j’ai été amené à côtoyer cette découverte. À Toulon, avant la Seconde guerre mondiale, il y avait le docteur Despinoy, psychiatre, mais qui faisait un troisième cycle de neurophysiologie. Comme il était marin, il est envoyé en Afrique et là il assiste à une transe africaine où le sorcier calme la transe en faisant lécher une pierre blanche. Comme il faisait un troisième cycle de neurophysiologie, il en conclut aussitôt qu’il y a sur la pierre blanche une substance qui calme l’agitation puisqu’en effet l’homme en transe s’était calmé. Il rapporte la pierre au laboratoire de la marine à Toulon, qui lui répond : "Sodium, ça peut pas être ça, potassium, ça peut pas être ça, calcium, ça peut pas être ça, traces de lithium, ça peut être que ça !". Et il extrait le lithium et il en fait des boules et à ce moment-là Mogens Schou, un jeune universitaire danois le contacte en lui disant : "Je voudrais donner du lithium à quelqu’un de ma famille qui souffre d’une psychose bipolaire". Donc, on lui donne du lithium, et on constate que, effectivement, elle va beaucoup mieux. J’ai la publication qui montre que son témoignage, le témoignage de deux infirmiers, un cousin, une tante, confirme qu’elle va mieux et c’est publié dans une revue de l’époque. Et puis Mogens Schou donne à des cobés, qu’on appelle aussi cobayes, des boulettes de lithium, et effectivement ces petits rongeurs se calment parce qu’on a remarqué que on court beaucoup moins vite quand on a une encéphalopathie toxique. Et puis comme c’est toxique ça ne peut pas être commercialisé, la guerre arrive, et Mogens Schou reprend cette hypothèse et là, le spectrophotomètre à flamme apparaît et on sait doser les doses toxiques de lithium et on arrive à donner juste les doses thérapeutiques. Dufour qui était universitaire à Marseille avec Pringuey, son élève et mon élève, m’invitent à participer à l’observation. Sur un millier de patients qui avaient pris du lithium, résultat, plus de quatre-vingt pour cent de stabilisation de l’humeur stupéfiante. Conclusion, s’il y avait eu un seul scientifique avec nous, bien évidemment ça n’aurait pas marché parce que l’hypothèse était délirante, la méthode était ridicule et les résultats sont extraordinaires. Alors je pense que, bien sûr, il faut respecter la formation scientifique traditionnelle, mais il faut de temps en temps laisser un brin de folie pour arriver à des résultats incroyables comme celui-là. Maintenant, Despinoy a fini sa vie comme psychanalyste ayant totalement abandonné la psychophysiologie, Dufour a mal évolué, Pringuey a fait une belle carrière universitaire et plus de quatre-vingt pour cent des patients bénéficient d’une découverte sérendipiteuse. 




So I would like to tell you a short crazy story, a story of a serendipitous discovery since I have come to know this discovery. In Toulon, before the Second World War, there was Dr. Despinoy, a psychiatrist, who was doing a third cycle of neurophysiology. As he was a sailor, he was sent to Africa and there he witnessed an African trance where the wizard calmed the trance by licking a white stone. As he was doing a third cycle of neurophysiology, he immediately concluded that there was a substance on the white stone that calmed the agitation because the man in a trance had calmed down. He brings the stone back to the marine laboratory in Toulon, which answers him: "Sodium, it can't be that, potassium, it can't be that, calcium, it can't be that, traces of lithium, it can only be that! And he extracts lithium and makes balls of it and at that moment Mogens Schou, a young Danish university student, contacts him and says: "I would like to give lithium to someone in my family who suffers from bipolar psychosis". So we give her lithium, and we see that she is indeed much better. I have the publication that shows that her testimony, the testimony of two nurses, a cousin, an aunt, confirms that she is doing better and it is published in a magazine of the time. And then Mogens Schou gives lithium pellets to cobes, also called guinea pigs, and indeed these small rodents calm down because we have noticed that we run much slower when we have toxic encephalopathy. And then as it is toxic it cannot be commercialized, war arrives, and Mogens Schou takes up this hypothesis and there, the flame spectrophotometer appears and we know how to measure the toxic doses of lithium and we manage to give just the therapeutic doses. Dufour, who was a university student in Marseille with Pringuey, his student and my student, invite me to participate in the observation. Out of a thousand patients who had taken lithium, result, more than eighty percent stabilized amazing mood. Conclusion, if there had been only one scientist with us, obviously it would not have worked because the hypothesis was delusional, the method was ridiculous and the results are extraordinary. So I think, of course, you have to respect traditional scientific training, but you have to leave a bit of madness from time to time to achieve incredible results like that. Now, Despinoy has ended his life as a psychoanalyst having totally abandoned psychophysiology, Dufour has evolved badly, Pringuey has had a great university career and more than eighty percent of patients benefit from a serendipitous discovery.

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TARENTULE, TARENTELLE, TARENTATA ET PIZZICA / TARENTULE, TARENTELLE, TARENTATA AND PIZZICA

TARENTULE, TARENTELLE, TARENTATA ET PIZZICA / TARENTULE, TARENTELLE, TARENTATA AND PIZZICA

Que penser d'un peuple qui, pour exorciser ses souffrances, choisit de se lancer corps et âme dans la danse et la musique ? D'autres se jetteraient dans la bataille comme on part en guerre ou en croisade. Les habitants des Pouilles, eux, préfèrent chanter et danser sur un rythme envoûtant et libérateur. / What about a people who, in order to exorcise their suffering, choose to launch themselves body and soul into dance and music? Others would throw themselves into battle as one goes to war or crusade. The inhabitants of Puglia, on the other hand, prefer to sing and dance to an enchanting and liberating rhythm.



https://www.youtube.com/embed/RqDjqiCnV80 

 

À voir le nombre d'octogénaires pédaler allègrement sur les routes de campagne du Salento ou vaquer à leurs occupations dans les ruelles de Melpignano, on se dit qu'ils ont dû beaucoup chanter et danser… Melpignano, petit village de 2 200 habitants, forme avec huit autres communes une enclave hellénophone appelée Grecìa Salentina, située à une quinzaine de kilomètres au sud de Lecce.

 

La population locale parle encore un dialecte grec, connu sous le nom de “griko” ou encore “grecanico”, vestiges de la Grande Grèce de l'Antiquité et de la domination byzantine. Il y a une dizaine d'années, après la grande vague d'immigration qui avait dépeuplé la région dans les années cinquante et face à une Europe qui redessinait ses frontières, les neuf communes ont souhaité réaffirmer leur identité. “Nous avons voulu créer un lien dynamique entre la tradition et l'innovation, non pas en nous renfermant sur nous-mêmes, mais en nous ouvrant sur la nouveauté. Notre volonté était de nous rencontrer, pas de nous affronter”, raconte Sergio Blasi, le maire de Melpignano.

 

Chaque été depuis 1998, sa ville accueille donc la Notte della Taranta [la Nuit de la Tarente], un mégaconcert gratuit qui vient clore près d'un mois de festival itinérant dédié à la musi­que populaire des Pouilles et organisé dans les neuf communes de la Grecìa Salentina.

 

Conformément à la volonté d'ouverture des promoteurs, les musiciens et chanteurs participant au concert sont dirigés par un chef d'orchestre issu d'un genre musical radicalement différent. Ainsi, en 2003, c'est sous la baguette de Stewart Copeland, le batteur de Police, que s'est déroulée la Nuit de la Tarente ou, en 2000, sous celle du jazzman Joe Zawinul, fondateur du groupe Weather Report.

 

Le chef d'orchestre invité dispose d'un mois pour s'approprier le répertoire traditionnel du Salento et le réinterpréter selon son propre code musical lors du grand concert final. Mais d'autres groupes, comme Buena Vista Social Club, ou d'autres artistes italiens, comme Franco Battiato, Gianna Nannini et Lucio Dalla, sont également invités à participer sur scène aux côtés des chanteurs et des musiciens traditionnels de la région.

 

“Ce n'est pas un concert au sens classique du terme. C'est plutôt une véritable création, une œuvre originale, une immense fête avec un public qui est tout sauf passif”, commente le maire de Melpignano. Dès l'après-midi, les spectateurs commencent à affluer. Une scène a été dressée sur l'immense pelouse qui s'étend devant la petite église baroque du Carmine datant du XVIIe siècle et l'ancien couvent des Augustiniens.

 

À la nuit tombée, lorsque les premières notes de tambourins et d'accordéons diatoniques se font entendre, la foule, toutes générations confondues, se retrouve sur les places, dans les ruelles ou dans les maisons pour participer aux réjouissances, pour une gigantesque fête de famille. Le grand-père danse avec sa petite-fille, les couples se défient en un pas de deux amoureux, tandis que les plus solitaires suivent depuis leur salon le spectacle retransmis sur une chaîne de télévision lo­cale.

 

“C'est là que notre musique traditionnelle reprend son sens premier et nous apporte un re­mède contre les angoisses véhiculées par le monde moderne et la mondialisation”, observe encore Sergio Blasi. Car la pizzica, dérivée de la tarentelle, une danse et une mu­sique populaires pratiquées dans tout le Sud de l'Italie, est née, en effet, pour guérir. Elle est directement liée au tarentisme, un rituel de guérison mêlant danse, musique, transe, possession et dévotion chrétienne, dont l'existence est documentée dès le XIVe siècle. Mais celui-ci aurait des origines bien plus anciennes puisque certains n'hésitent pas à le rapprocher des rites dionysiaques de l'Antiquité.

 

Ce rituel était censé guérir les personnes, des femmes pour la plupart, qui avaient été piquées par la tarentule ou lycosa tarantula, une araignée très répandue dans la région. Les victimes – les tarantate – étaient alors frappées d'hystérie, secouées de convulsions ou, au contraire, plongées dans une profonde léthargie. Pour se libérer de l'emprise de l'araignée qui vivait en elle, la tarantata n'avait d'autre choix que de danser jusqu'à épuisement sur le rythme effréné de la pizzica exécutée par des chanteurs à la voix nasillarde et haut perchée et des joueurs de tambourins, de violons et d'accordéons diatoniques.

 

Les musiciens adaptaient leur “traitement” en fonction de l'espèce de la tarentule qui avait piqué la victime. Selon le type de venin, la tarantata avait un comportement agité, mélancolique, agressif ou licencieux. Ils avaient alors recours à des rubans de couleur et des rythmes différents. Ces cérémonies pouvaient durer plusieurs heures, voire plusieurs jours, durant lesquels la victime passait par des phases de transe et d'extase. Ensuite, Saint-Paul, protecteur des pizzicati [“piqués” en italien] et particulièrement vénéré dans une église de la ville de Galatina, dans le Salento, finissait par exorciser le mal.

 

Les spécialistes de nombreu­ses disciplines, depuis l'anthropologie médicale à l'ethnopsychiatrie, se sont penchés sur ce bel exemple de syncrétisme culturel pour ­tenter d'en analyser les multiples origines et significations. D'aucuns y voient une façon de con­tourner le rigorisme de l'Église catholique du XVIIe siècle en matière de musique et de danse et de perpétuer des rites d'origine païenne.

 

D'autres y trouvent une explication purement médicale : en accélérant le rythme cardiaque et en libérant des endorphines, cette danse frénétique favorisait l'élimination du venin dans le sang et diminuait la douleur provoquée par la morsure de l'araignée. Aujourd'hui, si le tarentisme a pratiquement disparu, la pizzica, elle, connaît un renouveau indéniable, com­me en té­moignent le succès de la Nuit de la Tarente et l'énorme popularité des artistes originaires des Pouilles en général et du Salento en particulier.

 

Les films et les documentaires qui lui sont consacrés sont désormais légion, depuis Sangue Vivo d'Edoardo Winspeare à Il Sibilo lungo della Taranta de Paolo Pisanelli, retraçant son histoire des années soixante à nos jours. Dans ce dernier documentaire, Giovanni Lindo Ferretti, un artiste d'Italie du Nord ayant participé à plusieurs éditions du festival de Melpignano, affirme : “Derrière la musique traditionnelle du Salento se ca­che une merveilleuse poésie, d'une élégance incroyable, ca­pable de parler à tous les êtres humains, et pas seulement aux Salentins”.

 

Une poésie écrite par des gens simples et dignes, des paysans qui ont toujours travaillé dur et connu la faim, mais qui n'ont jamais cessé de chanter leurs joies et leurs peines. Un peuple qui aime danser et faire la fête et a trouvé dans la musique son antidote aux venins de l'existence.

 

  Régine Cavallaro


Seeing the number of octogenarians pedalling happily on the country roads of Salento or going about their business in the alleys of Melpignano, it is said that they had to sing and dance a lot... Melpignano, a small village of 2,200 inhabitants, forms with eight other municipalities a Greek-speaking enclave called Grecìa Salentina, located about fifteen kilometres south of Lecce.



The local population still speaks a Greek dialect, known as "griko" or "grecanico", vestiges of Greater Greece from antiquity and Byzantine domination. About ten years ago, after the great wave of immigration that had depopulated the region in the 1950s and faced with a Europe that was redrawing its borders, the nine municipalities wanted to reaffirm their identity. "We wanted to create a dynamic link between tradition and innovation, not by closing ourselves in on ourselves, but by opening ourselves to newness. Our desire was to meet each other, not to confront each other," says Sergio Blasi, Mayor of Melpignano.



Every summer since 1998, his city has hosted the Notte della Taranta[Night of the Taranto], a free megaconcert that ends almost a month of a travelling festival dedicated to popular music from Puglia and organized in the nine municipalities of Greece's Salentina.



In accordance with the promoters' desire for openness, the musicians and singers participating in the concert are conducted by a conductor from a radically different musical genre. Thus, in 2003, the Taranto Night took place under the baton of Stewart Copeland, the drummer of the Police, or in 2000, under the baton of jazzman Joe Zawinul, founder of the group Weather Report.



The guest conductor has one month to appropriate the traditional Salento repertoire and reinterpret it according to his own musical code during the final concert. But other groups, such as Buena Vista Social Club, or other Italian artists, such as Franco Battiato, Gianna Nannini and Lucio Dalla, are also invited to participate on stage alongside the region's traditional singers and musicians.



"This is not a concert in the classical sense of the word. It is rather a real creation, an original work, a huge celebration with an audience that is anything but passive," commented the mayor of Melpignano. In the afternoon, the spectators began to flock. A scene has been erected on the huge lawn in front of the small 17th century Baroque Carmine church and the former Augustinian convent.



At nightfall, when the first notes of tambourines and diatonic accordions are heard, the crowd, of all generations, gather in the squares, in the alleys or in the houses to participate in the celebrations, for a huge family celebration. The grandfather dances with his granddaughter, the couples challenge each other in a single step, while the most lonely follow the show from their living room, broadcast on a local television channel.



"This is where our traditional music takes on its original meaning and provides us with a remedy against the anguish of the modern world and globalization," says Sergio Blasi. Because pizzica, derived from tarantella, a popular dance and music practiced throughout southern Italy, was born to heal. It is directly linked to tarantism, a healing ritual combining dance, music, trance, possession and Christian devotion, whose existence is documented since the 14th century. But this one would have much older origins since some do not hesitate to bring it closer to the Dionysian rites of Antiquity.



This ritual was supposed to heal people, mostly women, who had been bitten by tarantula or lycosa tarantula, a spider that is very common in the region. The victims - the tarantate - were then struck by hysteria, shaken by convulsions or, on the contrary, plunged into a deep lethargy. To free herself from the grip of the spider that lived in her, the tarantata had no choice but to dance to the frantic rhythm of the pizzica performed by singers with a nasal and high perched voice and diatonic tambourines, violins and accordion players.






The musicians adapted their "treatment" according to the species of tarantula that had stung the victim. Depending on the type of venom, tarantata had restless, melancholic, aggressive or licentious behaviour. They then used ribbons of different colours and rhythms. These ceremonies could last several hours or even several days, during which the victim went through phases of trance and ecstasy. Then, St. Paul, protector of pizzicati[Italian for "piqués"] and particularly venerated in a church in the city of Galatina, in the Salento, ended up exorcising evil.



Specialists in many disciplines, from medical anthropology to ethnopsychiatry, have examined this fine example of cultural syncretism in an attempt to analyze its multiple origins and meanings. Some see it as a way of circumventing the 17th century Catholic Church's rigorousness in music and dance and perpetuating pagan rites.



Others find a purely medical explanation: by accelerating the heart rate and releasing endorphins, this frenetic dance promoted the elimination of venom in the blood and reduced the pain caused by the spider's bite. Today, if Tarantula has practically disappeared, pizzica is undergoing an undeniable revival, as shown by the success of Taranto Night and the enormous popularity of artists from Puglia in general and Salento in particular.



There are now many films and documentaries about him, from Edoardo Winspeare's Sangue Vivo to Paolo Pisanelli's Il Sibilo lungo della Taranta, retracing his history from the 1960s to the present day. In this latest documentary, Giovanni Lindo Ferretti, a Northern Italian artist who has participated in several editions of the Melpignano Festival, states: "Behind the traditional music of Salento lies a wonderful poetry, of incredible elegance, capable of speaking to all human beings, and not only to the Salentines".



A poetry written by simple and dignified people, peasants who have always worked hard and experienced hunger, but who have never stopped singing their joys and sorrows. A people who love to dance and celebrate and have found in music their antidote to the venom of existence.



Régine Cavallaro

 

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LA DANSE DE SAINT GUY   racontée par Michelet / THE DANCE OF SAINT GUY told by Michelet

LA DANSE DE SAINT GUY racontée par Michelet / THE DANCE OF SAINT GUY told by Michelet

La danse de Saint Guy, observée au XIVème siècle, telle qu’elle est racontée par Michelet nous concerne d’autant plus qu’il s’intéresse autant à ses manifestations qu’aux moyens employés pour y remédier. Si la maladie de Huntington (héréditaire, touchant les adultes, et incurable) n’a rien à voir avec la danse de Saint-Guy ou Chorée de Sydenham (infectieuse, infantile et qui se soigne par la pénicilline), il n’empêche que le passé a attaché les deux maladies l’une à l’autre (jusqu’à ce que George Huntington les sépare officiellement le 15 février 1872 !). Aujourd’hui il n’est pas rare que l’on continue de les confondre. / The dance of Saint Guy, observed in the 14th century, as told by Michelet, concerns us all the more because he is as interested in its manifestations as in the means used to remedy it. If Huntington's disease (hereditary, affecting adults, and incurable) has nothing to do with the dance of Saint-Guy or Chorée de Sydenham (infectious, infantile and treatable with penicillin), the fact remains that the past has attached the two diseases to each other (until George Huntington officially separated them on 15 February 1872!). Today it is not uncommon for them to continue to be confused.

 

 


 

« [Au quatorzième siècle, le] premier danger n’était pas le moins grand. Il éclata, vers 1350, d’une effrayante manière par la danse de Saint-Guy, avec cette singularité qu’elle n’était pas individuelle ; les malades, comme emportés d’un même courant galvanique, se saisissaient par la main, formaient des chaînes immenses, tournaient, tournaient, à mourir. Les regardants riaient d’abord, puis, par contagion, se laissaient aller, tombaient dans le grand courant, augmentaient le terrible cœur. Que serait-il arrivé si le mal eût persisté, comme fit longtemps la lèpre dans sa décadence même ? C’était comme un premier pas, un acheminement vers l’épilepsie. Si cette génération de malades n’eût été guérie, elle en eût produit une autre décidément épileptique. Effroyable perspective ! L’Europe couverte de fous, de furieux, d’idiots ! On ne dit pas comment ce mal fut traité, et s’arrêta. Le remède qu’on recommandait, l’expédient de tomber sur ces danseurs à coups de pied et de poing, était infiniment propre à aggraver l’agitation et la faire aboutir à l’épilepsie véritable. Il y eut, sans nul doute, un autre remède, dont on ne voulut pas parler. Dans le temps où la sorcellerie prend son grand essor, l’immense emploi des Solanées, surtout de la belladone, généralisa le médicament qui combat ces affections. » (La sorcière, p. 111-112).

 

Cette description est très intéressante parce qu’elle insiste sur le caractère collectif de cette étrange maladie, constituant ce « terrible cœur », un collectif généré par de la contagion ou de la propagation, comme dans les rituels de possession auxquels elle ressemble à s’y méprendre. Une autre chose intéressante, c’est la filiation d’avec l’épilepsie. Michelet fait ici l’hypothèse d’une espèce d’organisation hiérarchique des troubles : si on laisse la danse de Saint Guy persister, voire si on l’aggrave par les coups, elle dégénère en épilepsie. Enfin, Michelet nous intéresse parce qu’il évoque les remèdes, et ici on est très proche de la manière contemporaine de faire, qui administre, comme au XIVème siècle, des médicaments neuroleptique :

 

Aujourd’hui, essentiellement l’aripiprazole, commercialisé sous la marque Abilify®, est le sixième, et le plus récent, des neuroleptiques antipsychotiques atypiques Il est utilisé dans le traitement de la schizophrénie. Il est, de plus, utilisé dans le traitement de la manie aiguë et des épisodes mixtes associés aux troubles bipolaires (Wikipedia).

 

Jadis, on employait les « Solanées » (faute de l’édition ou évolution de l’orthographe ? Je ne trouve aujourd’hui que des « Solanacées »), immense famille recouvrant plus de 2500 espèces de plantes, dont un sous-groupe, les « Solonacées vireuses », contiennent des alcaloïdes, utilisés depuis des siècles pour leurs propriétés psychotropes : jusquiame, belladone, datura, mandragore, tabac… « La belladone est un calmant et un puissant antidouleur (à cause de l’atropine qu’elle contient) et fut donc utilisée pour insensibiliser des malades (souvent pour une opération chirurgicale), elle continue à être utilisée dans la médecine moderne. » (Wikipedia).

 

Danse de Saint Guy et chorée de Sydenham

 

Aujourd’hui, l’expression Danse de Saint-Guy ne correspond pas à la maladie de Huntington mais à la Chorée de Sydenham, maladie rhumatismale, qui touche les enfants de 5 à 15 ans, qui est la conséquence d’une infection du système nerveux central, et qui se soigne avec de la pénicilline. Andy Warhol en a d’ailleurs souffert : « En 1937, il est alors atteint de la maladie de la danse de Saint Guy. Souvent alité durant sa maladie, il est mal-aimé dans son école, et passe la majorité de son temps avec sa mère avec qui il tisse un lien très fort. Lorsqu’il est confiné à son lit, Andrew dessine, écoute la radio et collectionne des photos de stars de cinéma. Plus tard, Warhol décrira cette période comme très importante dans son développement personnel et celui de ses goûts. En 1942, Andrew qui a alors 14 ans perd son père après trois ans de maladie. » (Wikipedia). (Ici, petit tortillon vers mes chers alités !)

 

Lecture de l’article « Le mal de Saint vit (ou Saint Guy) », de Claire Biquard, chercheur à l’EHESS (toutes les citations qui suivent sont tirées de cet article que j’ai trouvé sur le net et qui a été publié dans le Bulletin d’histoire de la médecine en 2001).

 

Il y a quelque chose d’un petit peu confus dans toute cette histoire de Saint Guy, double plus que confus, qui selon moi sonne d’ailleurs plus juste qu’autre chose : saint Guy fut le saint patron invoqué pour soigner les danses de saint Guy, mais on ne sait pas bien s’il n’était pas lui-même à l’origine des troubles :

 

« C’était, croyait-on, un mal que saint Guy avait le pouvoir de guérir mais aussi d’infliger. Ce saint est caractérisé par l’ambivalence. L’aspect maléfique du saint, son pouvoir d’infliger la maladie transparaît dans des formules de malédiction qui étaient très usitées autrefois : « Que Dieu t’envoie saint Guy », « Que saint Guy t’invite à danser » ou « Puisse saint Guy t’affecter ». Cette dernière formule se trouve fréquemment chez les auteurs alsaciens des XVème et XVIème siècles. » (…) « La croyance au « mal de saint », attestée dans toute l’Europe, fait référence à un double pouvoir du saint sur la maladie qui porte son nom. Etant le seul à pouvoir guérir ce mal, il peut aussi le provoquer ou l’infliger ».

 

« L’appellation « danse de saint Guy » est ancienne. Elle désigna tout d’abord l’ancienne danse curative du solstice maintenue lors de la fête de saint Guy. Cependant, pendant longtemps, elle fut utilisée pour désigner des phénomènes divers dans lesquels on trouvait des mouvements choréiformes (ainsi le mal de saint Vit et, à partir de 1518, les épidémies de danse du Moyen Age). Puis les médecins l’appliquèrent à toutes les affections qui donnaient lieu à des gestes convulsifs même si ceux-ci ne rappelaient pas les mouvements des danseurs[^1]. Aujourd’hui la « danse de saint Guy » désigne une affection bien connue médicalement: la chorée de Sydenham. C’est une maladie de nature infectieuse ayant des relations avec le rhumatisme articulaire aïgu et qui atteint surtout l’enfant. Les phénomènes recouverts par la danse de saint Guy ont été analysés et précisés pour la première fois par P. Diepgen, Deutsche Volksmedizin, wissenschaftliche Heilkunde und Kultur, Stuttgart, 1935. »[^2]

 

Danse de Saint Guy, tarentisme et rites de possession

 

On trouvait la danse de saint Guy, la maladie comme les processions dansantes (l’article parle même de « danses médicales ») et curatives en Europe et particulièrement en Bavière dans le Moyen âge, mais il semble qu’il y ait un parallélisme/translation possible d’avec ce qui se passait en Italie avec la Tarentelle. Ernesto de Martino fait lui même le parallèle, dans La terre du remord> (et ce d’autant plus que les origines de Guy sont siciliennes ? En Italie, Saint Guy était d’ailleurs très populaire et on avait recours à lui pour les morsures, notamment de chiens enragés). Or, pour de Martino comme pour les ethnologues et ethnomusicologues Lapassade et Rouget, le « tarentisme » est un rite de possession comparable aux rites africain et afro-américains.

 

« Dans le rituel dédié à saint Guy, les malades ont recours à la transe pour communiquer avec le saint et pour l’apaiser. C’est un rite de transe communielle, qui n’est pas sans évoquer celui des Aissaouas au Maroc, par exemple. Sa finalité est thérapeutique. » (je souligne).

 

Sur la « conversion » d’un mal en remède, schéma que l’on retrouve si souvent dans les observations ethnopsy : une forme de possession par un être (pour aller très vite), qui trouve sa résolution dans l’instauration d’un culte vis à vis de l’être en question. Claire Biquard, dans son article, montre qu’elle ne croit pas à la thèse selon laquelle les danseurs de Saint Guy aient pu souffrir d’autres maux que psychosociaux, lors de certains « moments critiques de leurs existences » : « Il est possible, néanmoins, que l’on ait tenté d’agir par les danses sur des malades atteints d’une maladie neurologique ou psychique déterminée. Mais, dans ce cas, cette thérapie n’aurait pu donner les résultats constatés par les médecins qui avaient observé les danseurs de saint Guy. ».

 

Les chorea de Paracelse

 

On se trouve ici dans la lignée explicative initiée par Paracelse, le célèbre médecin de la Renaissance, pour lequel toutes les maladies pouvaient s’expliquer par des « causes naturelles » :

 

« “Dans la nature il y a non seulement des maladies qui affligent notre corps et notre santé, mais quantité d’autres qui nous privent de la saine raison, et celles-ci sont les plus graves. En parlant des maladies naturelles et en observant à quel point et combien gravement elles affligent diverses parties de notre corps, nous ne devons pas oublier d’expliquer l’origine des maladies qui privent l’homme de raison, car nous savons qu’elles viennent du caractère de l’homme. Aujourd’hui le clergé d’Europe attribue ces maladies à des êtres fantomatiques et à des esprits triples; nous ne sommes pas enclins à les croire. Car la nature prouve que de telles explications par des dieux terrestres sont inexactes et, comme nous l’allons montrer dans ces chapitres, que la nature est l’unique origine de ces maladies ». » Paracelse, dans Henri H. Sigerist (ed.), Quatre traités de Paracelse, traduction et introductions de C. L. Temkin, G. Rosen, G. Zilboorg et H. Sigerist, Baltimore, 1941.

 

Pour Paracelse, il ne fallait pas donner le nom d’un Saint à une maladie, il trouvait cela non seulement absurde mais païen, et de ce fait susceptible de déplaire à Dieu.

 

« À cet égard, il peut être comparé à Hippocrate dépossédant les dieux de tout rôle dans l’origine de l’épilepsie. » « Afin de soustraire le mal de saint Vit de toute connotation religieuse, Paracelse lui donna l’appellation générique de chorea. >Il distinguait trois formes de la maladie et prescrivait un traitement approprié à chacune d’entre elles : – La chorea vitista était selon lui la maladie d’origine. Elle avait hérité son nom de saint Vit qui était supposé infliger la maladie. Il l’appelait aussi chorea imaginativa, aestimativa car elle était le fruit de l’imagination et de la suggestion. – La chorea lasciva était provoquée par des désirs sensuels et affectait plus les hommes que les femmes en raison de leur plus grande force imaginative et de leur tempérament. – La chorea naturalis avait pour origine des causes corporelles » Henri H. Sigerist, Quatre traités… p. 181-182.

 

[^1]: Et c’est ici, dans cette zone trouble du tout convulsif, que s’est glissée la maladie de Huntington. D’où la confusion qui a longtemps perduré et qui continue de perdurer quelque fois entre Danse de Saint Guy et Maladie de Huntington. Sans doute est-ce pour distinguer encore mieux les deux maladies que l’on a cessé de désigner par chorée la maladie de Huntington.

 

[^2]: C’est le texte fondateur de la Chorée de Sydenham, le pendant du texte de George Huntington de 1872.

 

Alice Rivières






"In the fourteenth century, the] first danger was not the least serious. It broke out, around 1350, in a frightening way through the dance of Saint Guy, with that singularity that it was not individual; the patients, as if carried away by the same galvanic current, seized each other by the hand, formed immense chains, turned, turned, turned, died. At first the spectators laughed, then, by contagion, let themselves go, fell into the great current, increased the terrible heart. What would have happened if evil had persisted, as leprosy did for a long time in its very decadence? It was like a first step, a journey to epilepsy. If this generation of patients had not been cured, they would have produced another generation with epilepsy. Awful prospect! Europe covered in madmen, madmen, idiots! It is not said how this evil was treated, and stopped. The remedy recommended, the expedient of kicking and punching these dancers, was infinitely capable of aggravating the agitation and leading to true epilepsy. There was, no doubt, another remedy, which they did not want to talk about. At a time when witchcraft was taking off, the immense use of Solanaceae, especially belladonna, generalized the medicine that fought these diseases. " (The Witch, pp. 111-112).



This description is very interesting because it emphasizes the collective nature of this strange disease, constituting this "terrible heart", a collective generated by contagion or propagation, as in the rituals of possession to which it resembles to be mistaken. Another interesting thing is the relationship with epilepsy. Michelet hypothesizes here that there is a kind of hierarchical organization of the disorders: if we let Saint Guy's dance persist, or even if we aggravate it with blows, it degenerates into epilepsy. Finally, Michelet interests us because he evokes remedies, and here we are very close to the contemporary way of doing things, which administers, as in the 14th century, neuroleptic drugs:



Today, mainly aripiprazole, marketed under the brand name Abilify®, is the sixth and most recent atypical antipsychotic neuroleptic. It is used in the treatment of schizophrenia. It is also used in the treatment of acute mania and mixed episodes associated with bipolar disorder (Wikipedia).



In the past, the "Solanées" were used (lack of editing or evolution of spelling? Today I find only "Solanaceae"), a huge family covering more than 2500 plant species, including a subgroup, the "Virus Solanaceae", contain alkaloids, used for centuries for their psychotropic properties: jusquiame, belladonna, datura, mandrake, tobacco..." Belladonna is a painkiller and a powerful painkiller (because of the atropine it contains) and was therefore used to numb patients (often for surgery), it continues to be used in modern medicine. " (Wikipedia).


Saint Guy's dance and Sydenham chorea



Today, the expression Danse de Saint-Guy does not correspond to Huntington's disease but to Sydenham's Chorea, a rheumatic disease that affects children aged 5 to 15 years, which is the result of an infection of the central nervous system, and is treated with penicillin. Andy Warhol suffered from it: "In 1937, he was diagnosed with Saint Guy's dance disease. Often bedridden during his illness, he is unloved in his school, and spends most of his time with his mother with whom he forges a very strong bond. When he is confined to bed, Andrew draws, listens to the radio and collects pictures of movie stars. Later, Warhol described this period as very important in his personal development and that of his tastes. In 1942, Andrew, who was 14 years old at the time, lost his father after three years of illness. " (Wikipedia). (Here, little twist to my dear bedridden ones!)



Reading of the article "Le mal de Saint vit (ou Saint Guy)", by Claire Biquard, researcher at EHESS (all the following quotations are taken from this article that I found on the net and that was published in the Bulletin d'histoire de la médecine in 2001).



There is something a little confusing in this whole story of Saint Guy, a double more than confused, which in my opinion sounds more accurate than anything else: Saint Guy was the patron saint invoked to heal Saint Guy's dances, but it is not clear whether he was not himself at the origin of the troubles:




"It was believed to be an evil that St. Guy had the power to heal but also to inflict. This saint is characterized by ambivalence. The saint's evil aspect, his power to inflict disease, is reflected in curse formulas that were once widely used: "May God send you Saint Guy", "May Saint Guy invite you to dance" or "May Saint Guy affect you". The latter formula is frequently found among Alsatian authors of the 15th and 16th centuries. "(...) "The belief in the "evil of the saint", attested throughout Europe, refers to a double power of the saint over the disease that bears his name. As the only one who can cure this evil, he can also provoke or inflict it.


"The name "Saint Guy's Dance" is an old one. First of all, it referred to the ancient healing dance of the solstice maintained on the feast of St. Guy. However, for a long time, it was used to designate various phenomena in which choreiform movements were found (such as the evil of Saint Vit and, from 1518 onwards, the dance epidemics of the Middle Ages). Then the doctors applied it to all the disorders that gave rise to convulsive gestures even if they did not recall the dancers' movements[^1]. Today, the "Saint Guy's Dance" refers to a well-known medical condition: Sydenham's Chorea. It is an infectious disease related to rheumatic fever and mainly affects children. The phenomena covered by St. Guy's dance were first analysed and specified by P. Diepgen, Deutsche Volksmedizin, wissenschaftliche Heilkunde und Kultur, Stuttgart, 1935. »[^2]


Saint Guy's dance, tarantula and rites of possession



St. Guy's dance, illness and dancing processions (the article even speaks of "medical dances") and healing were found in Europe and particularly in Bavaria in the Middle Ages, but it seems that there is a possible parallelism/translation with what was happening in Italy with Taranto. Ernesto de Martino himself makes the parallel, in The Land of Remortion> (and this all the more so as Guy's origins are Sicilian? In Italy, Saint Guy was very popular and was used for bites, especially of rabid dogs). However, for de Martino as for the ethnologists and ethnomusicologists Lapassade and Rouget, "tarentism" is a rite of possession comparable to the African and African-American rites.



"In the ritual dedicated to St. Guy, patients use trance to communicate with the saint and to soothe him. It is a communicative trance ritual, which is not unlike that of the Aissaouas in Morocco, for example. Its purpose is therapeutic. " (emphasis added).



On the "conversion" of an evil into a cure, a scheme that is so often found in ethnopsy observations: a form of possession by a being (to go very quickly), which finds its resolution in the establishment of a cult towards the being in question. Claire Biquard, in her article, shows that she does not believe the thesis that the dancers of Saint Guy may have suffered other than psychosocial ills during certain "critical moments in their lives": "It is possible, however, that someone may have tried to act through the dances on patients suffering from a specific neurological or psychological disease. But in this case, this therapy could not have given the results observed by the doctors who had observed Saint Guy's dancers. ».


The chorea of Paracelsus



We are here in the explanatory line initiated by Paracelsus, the famous Renaissance doctor, for whom all diseases could be explained by "natural causes":



"In nature there are not only diseases that afflict our body and our health, but many others that deprive us of sound reason, and these are the most serious. When we talk about natural diseases and observe how seriously and how severely they affect various parts of our bodies, we must not forget to explain the origin of the diseases that deprive man of reason, because we know that they come from man's character. Today the clergy of Europe attribute these diseases to ghostly beings and triple spirits; we are not inclined to believe them. For nature proves that such explanations by earthly gods are inaccurate and, as we will show in these chapters, that nature is the only source of these diseases. "Paracelsus, in Henri H. Sigerist (ed.), Quatre traités de Paracelsus, traduction et introductions de C. L. Temkin, G. Rosen, G. Zilboorg et H. Sigerist, Baltimore, 1941.


 



For Paracelsus, it was not necessary to give the name of a Saint to a disease, he found it not only absurd but pagan, and therefore likely to displease God.



"In this respect, he can be compared to Hippocrates dispossessing the gods of any role in the origin of epilepsy. "In order to remove the evil of Saint Vit from any religious connotation, Paracelsus gave it the generic name of chorea. >He distinguished three forms of the disease and prescribed appropriate treatment for each of them: - Chorea vitista was, in his opinion, the original disease. She had inherited her name from Saint Vit who was supposed to inflict the disease. He also called it chorea imaginativa, aestimativa because it was the result of imagination and suggestion. - Chorea lasciva was caused by sensual desires and affected men more than women because of their greater imaginative strength and temperament. - The chorea naturalis had as its origin bodily causes" Henri H. Sigerist, Quatre traités... p. 181-182.



[^1]: And it is here, in this troubled area of convulsions, that Huntington's disease has crept in. Hence the confusion that has long persisted and continues to persist sometimes between the Dance of St. Guy and Huntington's Disease. It was probably to further distinguish the two diseases that Huntington's disease was no longer called chorea.



[^2]: It is the founding text of the Sydenham Chorea, the counterpart to George Huntington's 1872 text.



Alice Rivières


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19 AVRIL 1943. LE CHIMISTE ALBERT HOFMANN S'OFFRE LE PREMIER TRIP AU LSD PAR ACCIDENT / APRIL 19, 1943. CHEMIST ALBERT HOFMANN BUYS HIMSELF THE FIRST TRIP TO THE LSD BY ACCIDENT

19 AVRIL 1943. LE CHIMISTE ALBERT HOFMANN S'OFFRE LE PREMIER TRIP AU LSD PAR ACCIDENT / APRIL 19, 1943. CHEMIST ALBERT HOFMANN BUYS HIMSELF THE FIRST TRIP TO THE LSD BY ACCIDENT

Ce jour-là, le chimiste bâlois ingère cette substance, qu’il a synthétisée dans son laboratoire chez Sandoz, mais dont il ignore les effets. Il enfourche ensuite un vélo pour regagner son domicile. Il vient d’embarquer pour le premier «trip» de l’histoire du LSD, ouvrant la voie à de nombreuses autres expérimentations psychédéliques et scientifiques. / On that day, the Basel chemist ingested the substance, which he had synthesized in his laboratory at Sandoz, but whose effects he did not know about. He then rides a bicycle to his home. He has just embarked on the first "trip" in the history of LSD, paving the way for many other psychedelic and scientific experiments.


  

Employé chez Sandoz pour trouver de nouveaux médicaments, Hofmann a synthétisé le LSD qu'il pense être antidépressif.

 

 

  

16 avril 1943. Le chimiste Albert Hofmann s'offre le premier trip au LSD par accident

 

 

 

Le 16 avril 1943, Albert Hofmann décide de se remettre à étudier une molécule qu'il avait délaissée cinq ans auparavant. C'est très étrange, car dans les laboratoires pharmaceutiques où les nouvelles molécules à tester défilent par milliers, on n'a pas l'habitude de revenir en arrière. Synthétisée à partir de l'ergot de seigle, le diéthylamide de l'acide lysergique, ou LSD, n'avait pas tenu ses promesses comme stimulant circulatoire. Lui-même ne saura jamais dire pourquoi, ce jour-là, il tire le LSD de l'oubli.

 

Lors de la phase de cristallisation du LSD, Hofmann se sent tout chose, bizarre. "J'étais pris d'une agitation extraordinaire avec de légers vertiges. Dès mon arrivée à la maison, je me suis couché, sombrant dans un état non désagréable, comme si j'avais été intoxiqué, avec mon imagination très stimulée. Comme endormi, les yeux clos (la lumière du jour m'était très désagréable), je percevais un flot ininterrompu d'images fantastiques aux formes extraordinaires, et aux couleurs comme produites par un kaléidoscope. Au bout de deux heures, cet état s'est estompé." Hofmann vient de vivre le premier trip au LSD.

 

Vertige et anxiété

 

Naturellement, le chimiste cherche à comprendre l'origine de son trouble. Il pense d'abord à un effet du solvant, mais il l'utilise depuis longtemps sans jamais avoir éprouvé une telle sensation. Conclusion, le LSD est forcément le coupable. Même s'il a pris toutes les précautions voulues, une microscopique goutte s'est probablement déposée sur l'un de ses doigts, avec lequel il s'est ensuite frotté l'oeil. Pour confirmer ses soupçons, Hofmann décide d'en absorber volontairement une dose infinitésimale.

 

Le 19 avril, il avale donc 0,25 mg de LSD, soit le quart de la dose prescrite habituellement pour les alcaloïdes. Il pense ainsi être à l'abri de toute expérience désagréable. En réalité, le LSD est tellement puissant qu'il s'agit d'une dose maousse capable de faire planer un pachyderme. "Ce fut une expérience horrible !" Quarante minutes après l'absorption, les vertiges surgissent, accompagnés d'un immense sentiment d'anxiété. Sa vue se brouille, certaines parties de son corps ne répondent plus à sa volonté. Il a envie d'éclater de rire. Il doit lutter pour parler intelligiblement. Hofmann décide de rentrer chez lui. Comme il n'a pas de voiture, il demande à son assistant de l'accompagner à vélo. Il zigzague : c'est Tom Simpson escaladant le mont Ventoux (pour les jeunots, précisons que ce cycliste est tombé raide mort sur le bord de la route, l'organisme bourré d'amphétamines).

 

"Monstre intérieur"

 

Le chimiste a l'impression que la route vacille, le paysage lui apparaît comme vu dans un miroir déformant. Il pense que le temps s'est arrêté alors qu'il file sur son vélo. Après quatre kilomètres de route, les deux hommes finissent par arriver à destination. Hofmann peine à articuler pour demander à son assistant d'aller chercher son médecin de famille et de rapporter du lait, la boisson habituelle en cas d'empoisonnement. Les symptômes allant crescendo, il s'allonge sur le sofa. C'est alors qu'il traverse une des plus terrifiantes expériences de toute son existence. Il pense même être mort. "Tous les objets dans la pièce se sont mis à tourner autour de moi, les meubles adoptaient des formes grotesques et effrayantes. Ils étaient agités d'un mouvement perpétuel, comme emplis d'une angoisse."

 

Une voisine lui apporte deux litres de lait, il ne la reconnaît pas. "Ce n'était plus Mme R., mais plutôt une sorcière malveillante et insidieuse qui arborait un masque coloré." Mais cette déformation du monde extérieur n'est pas le pire. C'est la désintégration de son monde intérieur qui le terrifie le plus. "Un démon m'avait envahi, avait pris possession de mon corps, de mon esprit et de mon âme. J'ai sauté sur mes pieds et j'ai hurlé pour essayer de me libérer de lui, mais je me suis de nouveau écroulé sur le sofa. La substance que je voulais tester m'avait vaincu. C'était le démon qui avait dédaigneusement triomphé de ma volonté. J'ai été pétrifié par la peur de devenir fou."

 

Lutte contre la schizophrénie

 

Le médecin débarque enfin, mais le malheureux est aussi désarmé que s'il avait trouvé une mouche en train de danser le flamenco. À part les pupilles dilatées du chimiste, il n'enregistre aucun autre symptôme. Le pouls, la tension et le souffle sont normaux. Il se contente de coucher son patient et de le veiller. Après plusieurs heures, Hofmann revient sur terre, son expérience devient moins angoissante, plus jouissive. Il s'endort paisiblement.

 

Le lendemain matin, il se réveille en pleine forme, comme un bébé découvrant un monde enchanteur. Son petit déjeuner lui paraît délicieux. Une promenade dans le jardin l'exalte. Ses sens sont aiguisés comme jamais. Il a l'impression d'explorer un nouvel environnement. Durant 24 heures, Hofmann vogue sur un nuage. Après cette incroyable expérience, le chimiste est persuadé que le LSD se révélera d'une grande aide pour aider à soigner certaines maladies psychiatriques, comme la schizophrénie. Mais jamais, au grand jamais, il n'imagine qu'il puisse être utilisé comme pourvoyeur de paradis artificiels. Son expérience a été trop terrifiante durant les premières heures pour qu'il imagine cela.

 

Quand, plusieurs années plus tard, Timothy Leary se fait le chantre du LSD, Hofmann le met violemment en garde contre une utilisation récréative... En 2006, à l'âge de 100 ans, Hofmann réclame encore la levée de l'interdiction du LSD, persuadé qu'il pourrait aider certains dépressifs à renouer avec la vie.

 

  et



Used at Sandoz to find new drugs, Hofmann synthesized the LSD he thinks is antidepressant.


On April 16, 1943, Albert Hofmann decided to start studying a molecule he had abandoned five years earlier. This is very strange, because in pharmaceutical companies where the new molecules to be tested are thousands, we are not used to going back. Synthesized from rye ergot, lysergic acid diethylamide, or LSD, had not kept its promise as a circulatory stimulant. He himself will never be able to say why, on that day, he is pulling LSD out of oblivion.



During the crystallization phase of LSD, Hofmann feels all strange. "I was taken by an extraordinary agitation with slight dizziness. As soon as I arrived home, I went to bed, sinking into a non-pleasant state, as if I had been intoxicated, with my imagination very stimulated. As if asleep, with my eyes closed (daylight was very unpleasant to me), I perceived an uninterrupted flow of fantastic images with extraordinary shapes, and colours as if produced by a kaleidoscope. After two hours, this condition subsided." Hofmann has just experienced the first trip to LSD.


Dizziness and anxiety



Naturally, the chemist tries to understand the origin of his disorder. He first thinks of a solvent effect, but he has been using it for a long time without ever having experienced such a sensation. In conclusion, LSD is necessarily the culprit. Even if he took all the necessary precautions, a microscopic drop probably settled on one of his fingers, with which he then rubbed his eye. To confirm his suspicions, Hofmann decided to voluntarily absorb an infinitesimal dose.



On April 19, he swallowed 0.25 mg of LSD, one quarter of the usual dose prescribed for alkaloids. In this way, he thinks he is protected from any unpleasant experience. In reality, LSD is so powerful that it is a small dose that can make a pachyderm glide. "It was a horrible experience!" Forty minutes after absorption, dizziness appears, accompanied by an overwhelming feeling of anxiety. His vision blurs, some parts of his body no longer respond to his will. He wants to burst out laughing. He must struggle to speak intelligibly. Hofmann decides to go home. As he does not have a car, he asks his assistant to accompany him on his bike. It zigzags: it's Tom Simpson climbing Mount Ventoux (for the young people, let's point out that this cyclist fell dead stiff on the side of the road, his body full of amphetamines).


"Inner monster"



The chemist has the impression that the road is wavering, the landscape appears to him as if seen in a distorting mirror. He thinks time has stopped as he rides his bike. After four kilometres of road, the two men finally arrived at their destination. Hofmann struggles to articulate to ask his assistant to go get his family doctor and bring back milk, the usual drink in case of poisoning. As the symptoms increase, he lies on the sofa. It was then that he went through one of the most terrifying experiences of his life. He even thinks he's dead. "All the objects in the room began to revolve around me, the furniture took on grotesque and frightening shapes. They were agitated with a perpetual movement, as if filled with anguish."



A neighbour brings him two litres of milk, he doesn't recognize her. "She was no longer Mrs. R., but rather a malicious and insidious witch wearing a colorful mask." But this distortion of the outside world is not the worst. It is the disintegration of his inner world that terrifies him the most. "A demon had invaded me, had taken possession of my body, my mind and my soul. I jumped on my feet and screamed to try to free myself from him, but I collapsed again on the sofa. The substance I wanted to test had defeated me. It was the demon who had disdainfully triumphed over my will. I was petrified by the fear of going crazy."


Fight against schizophrenia



The doctor finally arrives, but the unfortunate man is as helpless as if he had found a fly dancing flamenco. Other than the chemist's dilated pupils, he has no other symptoms. Pulse, blood pressure and breath are normal. He just puts his patient to bed and watches over him. After several hours, Hofmann returns to earth, his experience becomes less scary, more enjoyable. He falls asleep peacefully.


The next morning, he wakes up in great shape, like a baby discovering an enchanting world. His breakfast looks delicious to him. A walk in the garden exalts her. His senses are as sharp as ever. He feels like he's exploring a new environment. For 24 hours, Hofmann sails on a cloud. After this incredible experience, the chemist is convinced that LSD will prove to be a great help in treating certain psychiatric illnesses, such as schizophrenia. But never, ever, ever, does he imagine that he could be used as a provider of artificial paradises. His experience was too terrifying in the first few hours for him to imagine that.



When, several years later, Timothy Leary became the champion of LSD, Hofmann warned him violently against recreational use... In 2006, at the age of 100, Hofmann still called for the ban on LSD to be lifted, convinced that it could help some depressed people get back to life.



Frédéric Lewino and Gwendoline Dos Santos

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SÉRENDIPITÉ : HEUREUX HASARDS EN NEUROLOGIE / SERENDIPITY: HAPPY COINCIDENCES IN NEUROLOGY

SÉRENDIPITÉ : HEUREUX HASARDS EN NEUROLOGIE / SERENDIPITY: HAPPY COINCIDENCES IN NEUROLOGY

La stimulation cérébrale profonde chez le Malade Parkinsonien : la curiosité du Professeur Benabid. Des centaines de milliers de malades dans le monde ont pu en bénéficier./ Deep brain stimulation in the Parkinson's disease: Professor Benabid's curiosity. Hundreds of thousands of patients around the world have benefited from it.



Le prestigieux Prix Lasker 2014, considéré comme le « Prix Nobel américain », a été décerné à New York au neurochirurgien français Alim-Louis Benabid. Membre de l'Académie des sciences, ce chirurgien-chercheur partage le 'Prix Lasker de la recherche clinique médicale', conjointement avec le Pr Mahlon DeLong pour la découverte de la "stimulation cérébrale profonde" (SCP) dans certains noyaux (zones profondes) du cerveau. Cette procédure chirurgicale consiste à contrôler les troubles moteurs d'un malade souffrant de mouvements involontaires anormaux (en particulier de la maladie de Parkinson) par l’implantation d’électrodes stimulant des noyaux du cerveau.

 

Le Pr Benabid est le huitième français à obtenir le Prix Lasker. Le dernier lauréat français a été le Pr Alain Carpentier, en 2007.

 

La chance sourit parfois aussi aux chercheurs, en leur offrant sur un plateau des réponses fructueuses à des questions qu'ils ne se posaient pas. Encore faut-il être prêt à recevoir l'imprévisible, l'inconnu ou l'étrange. Tel a été le cas dans les années 1980 pour le Pr Alim-Louis Benabid, qui a la double formation de médecin et ingénieur. Il exerce aujourd’hui à Clinatec, un centre de recherche biomédicale du CEA, basé à Grenoble.

 

 

 

Je reproduis ici un extrait d’un article  que j’avais rédigé en août 2012 pour le supplément hebdomadaire ‘Science et Techno’ du journal Le Monde, intitulé « Sérendipité : Heureux hasards en médecine’.

 

 

 

Grenoble, fin des années 1980. Une double formation universitaire peut se révéler être un atout majeur pour faire une découverte par sérendipité. A la fin des années 1980, Alim Louis Benabid, neurochirurgien au CHU de Grenoble, également professeur de biophysique, réalise régulièrement chez des patients souffrant de tremblement une intervention (appelée thalamotomie) consistant à détruire le noyau ventro-intermédiaire (VIM) du thalamus, une zone du cerveau impliquée dans le contrôle de la motricité. Avant de détruire par électrocoagulation cette cible, il s’assure toujours que l’électrode est correctement positionnée en stimulant la zone. « Si mon électrode était trop en arrière de la cible, mon patient ressentait des fourmillements et il fallait donc la placer plus en avant. Si mon électrode était trop latérale, je provoquais des contractions musculaires de la face ou du bras, et il fallait que je la repositionne plus en dedans. Lorsque je ne provoquais ni fourmillements, ni contractions, j’étais en toute logique dans la cible que je voulais détruire », raconte le professeurBenabidLe neurochirurgien-physicien a l’idée de modifier la fréquence de stimulation de l’électrode positionnée dans la cible avant de la détruire, « pour voir si cela ne serait pas mieux, mais aussi pour savoir ce qui se passait, par curiosité scientifique ». « Au lieu de stimuler à 30 ou 40 Hz comme tout le monde, je stimulais à 1, 5, 10, 50 et 100 Hz, fréquence maximale avec l’appareillage que j’utilisais », explique-t-il, ajoutant que « les choses sont devenues évidentes un jour de janvier 1986 où j’intervenais sur un patient atteint de tremblement essentiel, une maladie d’origine familiale ». Le neurochirurgien constate qu’une stimulation à 100 Hz entraîne l’arrêt total du tremblement de la main du malade. Il pense avoir provoqué une contraction musculaire si forte qu’elle bloque complètement le tremblement, mais à l’interruption de la stimulation, le tremblement reprend. Nouvelle stimulation, plus de tremblement. Arrêt de la stimulation, reprise du tremblement. « Cela marchait à tous les coups. Je n’obtenais pas de fourmillements, pas de contractions, le patient pouvait même pianoter avec ses doigts. En plus j’observais une suppression du tremblement. C’est exactement ce que je cherchais à faire ! », raconte le professeur Benabid. Il vient de découvrir que la stimulation de la cible à une fréquence de 100 Hz a curieusement le même effet que sa destruction.

 

C’est alors que se présente, début 1987, au service de neurochirurgie Monsieur B., un homme d’une cinquantaine d’années souffrant d’un tremblement essentiel, déjà traité par thalamotomie et qui présente un tremblement du côté non traité. Réaliser une thalamotomie bilatérale comporte cependant un risque non négligeable de complications, à savoir de survenue de troubles de la parole et de la mémoire. Le neurochirurgien propose à son patient de lui implanter une électrode de stimulation dans la zone cible plutôt que de la détruire. Le patient accepte. L’électrode intra-cérébrale, connectée à un fil sortant à l’arrière du crâne et courant sous la peau, est reliée à un stimulateur implanté dans le creux de la clavicule. Monsieur B. ne tremble plus. Il est décidé de proposer cette technique à tous les malades qui devaient subir une thalamotomie. « A partir de ce moment-là, je n’ai plus du tout fait de lésions ciblées, mais uniquement des stimulations », résume le professeur Benabid.

 

Dans les années 1990, suite à une découverte chez le singe, le ‘noyau sub-thalamique’ (NST) devient la cible privilégiée de la stimulation cérébrale profonde (SCP) dans des formes sévères de la maladie de Parkinson. La stimulation chronique du NST s’avère efficace sur les trois symptômes de l’affection : le tremblement de repos, la rigidité musculaire et l'akinésie (ralentissement de l'exécution du mouvement). La SCP connaît alors une large diffusion dans le traitement des mouvements involontaires. Trente-cinq ans après sa découverte, son mode d’action reste encore mal connu. « Nous ne savons pas vraiment comment cette technique fonctionne, mais qu’importe puisque çà marche ! », déclare le professeur Benabid. Le neurochirurgien n’hésite pas aujourd’hui à parler « de sérendipidité et de chance ». « Le seul mérite que j’ai eu est de ne pas avoir laissé passer cette observation », déclare-t-il. Il n’avait pas fait état, à l’époque, du caractère fortuit de son observation. « Les résultats obtenus sur les premiers malades traités me fournissaient une bonne raison, sinon une bonne excuse, pour avoir eu l’idée d’augmenter la fréquence en tournant un simple bouton. Finalement, cette idée n’était pas complètement idiote ! », conclut-il. (…)

 

Marc Gozlan




The prestigious 2014 Lasker Prize, considered the "American Nobel Prize", was awarded in New York to the French neurosurgeon Alim-Louis Benabid. A member of the Academy of Sciences, this surgeon-researcher shares the "Lasker Prize for Clinical Medical Research", jointly with Professor Mahlon DeLong for the discovery of "deep brain stimulation" (DBS) in certain nuclei (deep areas) of the brain. This surgical procedure consists in controlling the motor disorders of a patient suffering from abnormal involuntary movements (in particular Parkinson's disease) by implanting electrodes stimulating brain nuclei.



Professor Benabid is the eighth Frenchman to win the Lasker Prize. The last French winner was Professor Alain Carpentier in 2007.



Luck also sometimes smiles on the researchers, offering them fruitful answers to questions they did not ask themselves. But you still have to be ready to receive the unpredictable, the unknown or the strange. This was the case in the 1980s for Professor Alim-Louis Benabid, who has a dual background as a doctor and engineer. He currently works at Clinatec, a biomedical research centre of the CEA, based in Grenoble.







I am reproducing here an excerpt from an article I wrote in August 2012 for the weekly supplement "Science et Techno" of the newspaper Le Monde, entitled "Sérendipité : Heureux chanceards en médecine".







Grenoble, late 1980s. A dual university education can be a major asset in making a discovery by serendipity. At the end of the 1980s, Alim Louis Benabid, neurosurgeon at the University Hospital of Grenoble, also a professor of biophysics, regularly performs an operation (called thalamotomy) in patients suffering from tremor to destroy the ventro-intermediate nucleus (VIM) of the thalamus, an area of the brain involved in motor control. Before electrocoagulating this target, he always ensures that the electrode is correctly positioned by stimulating the area. "If my electrode was too far back from the target, my patient felt tingling and it had to be placed further forward. If my electrode was too lateral, I would cause muscle contractions of the face or arm, and I would have to reposition it further in. When I didn't cause any tingling or contractions, I was logically in the target I wanted to destroy," says Professor Benabid. The neurosurgeon-physicist has the idea of modifying the stimulation frequency of the electrode positioned in the target before destroying it, "to see if it wouldn't be better, but also to know what was going on, out of scientific curiosity". "Instead of stimulating at 30 or 40 Hz like everyone else, I was stimulating at 1, 5, 10, 50 and 100 Hz, the maximum frequency with the equipment I was using," he explains, adding that "things became obvious one day in January 1986 when I was working on a patient with essential tremor, a family illness. The neurosurgeon notes that a 100 Hz stimulation causes the patient's hand to stop shaking completely. He thinks he has caused such a strong muscle contraction that it completely blocks the tremor, but when the stimulation is interrupted, the tremor resumes. New stimulation, no more trembling. Stop the stimulation, resume tremor. "It worked every time. I didn't get any tingling, no contractions, the patient could even play with his fingers. In addition, I was observing a suppression of the tremor. That's exactly what I was looking to do! "He has just discovered that stimulating the target at a frequency of 100 Hz has the same strange effect as destroying it.



At the beginning of 1987, Mr B., a man in his fifties suffering from an essential tremor, already treated with thalamotomy and with tremor on the untreated side, came to the neurosurgery department. However, performing a bilateral thalamotomy involves a significant risk of complications, namely the occurrence of speech and memory disorders. The neurosurgeon suggests that the patient implant a stimulation electrode in the target area rather than destroy it. The patient accepts. The intracerebral electrode, connected to a wire coming out at the back of the skull and running under the skin, is connected to a stimulator implanted in the hollow of the collarbone. Mr. B. is no longer shaking. It was decided to offer this technique to all patients who were to undergo a thalamotomy. "From that moment on, I didn't do any targeted injuries at all, but only stimulations," says Professor Benabid.


In the 1990s, following a discovery in monkeys, the'sub-thalamic nucleus' (NST) became the preferred target for deep brain stimulation (DBS) in severe forms of Parkinson's disease. Chronic stimulation of NNT is effective on all three symptoms of the condition: rest tremor, muscle stiffness and akinesia (slowing movement performance). CPS was then widely used in the treatment of involuntary movements. Thirty-five years after its discovery, its mode of action is still poorly understood. "We don't really know how this technique works, but it doesn't matter because it works! ", says Professor Benabid. Today, the neurosurgeon does not hesitate to talk about "serendipidity and luck". "The only merit I had was that I didn't let this observation pass," he says. At the time, he did not mention the fortuitous nature of his observation. "The results obtained on the first patients treated provided me with a good reason, if not a good excuse, for having had the idea of increasing the frequency by turning a simple knob. Finally, this idea was not completely stupid! ", he concludes. (…)



Marc Gozlan

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